Les applications linéaires sont un concept fondamental en mathématiques, en particulier dans le domaine de l’algèbre linéaire. Une application linéaire est une fonction mathématique qui préserve les propriétés de la structure vectorielle entre deux espaces vectoriels. En d’autres termes, elle respecte les opérations de somme vectorielle et de multiplication par un scalaire.
Propriétés des applications linéaires
Espace vectoriel des applications linéaires
Dans ce cours, nous considérons $\mathbb{K}$ comme le corps des nombres réels ou des nombres complexes. De plus, nous travaillerons avec deux espaces vectoriels, notés $E$ et $F$, définis sur le même corps scalaire $\mathbb{K}$.
Une application $f:E\to F$ est dite linéaire si: pour tout $x,y\in E$ et tout $\lambda,\mu\in\mathbb{K}$ on a $$ f(\lambda x+\mu y)=\lambda f(x)+\mu f(y).$$ On note
Si $f$ est linéaire alors $f(0_E)=0_F$, car on a: $$f(0_E)=f(0_E+0_E)=f(0_E)+f(0_E)=2f(0_E).$$
Exemple: Soient $C(\mathbb{R})$ l’espace vectoriel des fonctions continues sur $\mathbb{R}$ et $C^1(\mathbb{R})$ son sous-espace vectoriel des fonctions de classe $C^1(\mathbb{R})$ sur $\mathbb{R}$. Nous examinons l’application $T : C^1(\mathbb{R}) \rightarrow C(\mathbb{R})$ définie par $T(f) = f’$. Conformément à nos cours sur les fonctions dérivables, il est évident que $T$ est une application linéaire.
On note $\mathcal{L}(E,F)$ l’ensemble de toutes les applications linéaires de l’espace vectoriel $E$ dans l’espace vectoriel $F$. Si $f$ et $g$ sont deux éléments de $\mathcal{L}(E,F)$ et $\lambda$ est un scalaire de $\mathbb{K}$, alors nous définissons les opérations $f+g$ et $\lambda f$ comme suit : pour tout $x$ appartenant à $E$, $(f+g)(x) = f(x) + g(x)$ et $(\lambda f)(x) = \lambda f(x)$.
Il est important de noter que grâce à ces définitions, nous pouvons montrer le resultat suivant:
$(\mathcal{L}(E,F), +, \cdot)$ forme un espace vectoriel sur le corps $\mathbb{K}$.
Lorsque l’espace de départ $E$ est égal à l’espace d’arrivée $F$, nous notons cet ensemble $\mathcal{L}(E,E)$ de manière plus concise comme $\mathcal{L}(E)$. De plus, chaque application linéaire $f$ appartenant à $\mathcal{L}(E)$ est appelée un endomorphisme.
Si $u,v\in \mathcal{L}(E)$ alors leur composition $u\circ v\in \mathcal{L}(E)$. De plus on a
$(\mathcal{L}(E),+,\circ)$ est un anneau.
Noyau et image d’une application linéaire
Pour une application linéaire $f : E → F$, le noyau (ou kernel) de $f$ est l’ensemble des vecteurs de $E$ qui sont envoyés au vecteur nul de $F$, c’est-à-dire le noyau de $f$ est défini comme $$\ker(f) = \{x \in E:f(x) = 0\}.$$ L’image de $f$ est l’ensemble des vecteurs de $F$ atteints par $f$, c’est-à-dire $${\rm Im}(f) = \{f(x) : x \in E\}.$$ Il est facile de voir que $\ker(f)$ est un sous espace de $E$ et ${\rm Im}(f)$ est un sous espace de $F$.
Une application linéaire est injective si et seulement si son noyau est réduit au vecteur nul.
On peut aussi montrer que si $f\in\mathcal{L}(E,F)$ et si $\{e_i:i\in I\}$ une famille génératrice de $E$, alors $$ {\rm Im}(f) ={\rm Vect}\{f(e_i): i\in I\}.$$
Isomorphisme
Une application linéaire bijective (c’est-à-dire à la fois injective et surjective) entre deux espaces vectoriels est appelée un isomorphisme. Les espaces vectoriels isomorphes ont la même structure et peuvent être considérés comme équivalents du point de vue de l’algèbre linéaire.
Un endomorphisme bijectif est appelé un automorphisme de l’espace vectoriel $E$. L’ensemble de tous les automorphismes de $E$ est noté ${\rm GL}(E)$. De plus, il est aisé de démontrer que $({\rm GL}(E), \circ)$ forme un groupe.
Projections et symétries
Dans un espace vectoriel $E$, les projections et les symétries sont des types spécifiques d’applications linéaires qui ont des propriétés particulières et des utilisations importantes. Explorons ces concepts plus en détail:
Projections
On part de deux sous espaces $V$ et $W$ supplémentaires de $E$.
Une projection $p$ sur $V$ parallèlement à $W$ est une application linéaire $p\in\mathcal{L}(E)$ qui envoie chaque vecteur $x$ de $E$ sur un vecteur $p(x)$ de $V$ tout en maintenant la condition que la différence $x – p(x)$ appartienne à $W$.
Formellement, pour tout vecteur $x \in E$, la projection $p(x)$ sur $V$ parallèlement à $W$ satisfait les deux conditions suivantes :
- $p(x) \in V$.
- $x – p(x) \in W$.
Maintenant, examinons les propriétés de $\ker(p)$ (le noyau de $p$) et $im(p)$ (l’image de $p$) :
- $\ker(p)$ est l’ensemble des vecteurs $x$ de $E$ tels que $p(x) = 0$, c’est-à-dire les vecteurs de $E$ qui sont complètement projetés dans $W$.
- $im(p)$ est l’ensemble des vecteurs $y$ de $V$ qui sont atteints par la projection $p$, c’est-à-dire les vecteurs dans $V$ qui sont des images possibles de la projection.
Caractérisation des projections: Une application linéaire $p : E \rightarrow E$ est une projection sur $V$ parallèlement à $W$ si et seulement si elle satisfait les conditions suivantes :
- $p^2 = p$, c’est-à-dire que la projection appliquée deux fois est égale à elle-même (idempotence).
- $\ker(p) = W$, ce qui signifie que le noyau de la projection est égal à $W$.
- $im(p) = V$, c’est-à-dire que l’image de la projection est égale à $V$.
En d’autres termes, une projection est une application linéaire qui, lorsqu’elle est appliquée une deuxième fois, ne change pas le résultat initial, et qui projette les vecteurs dans $E$ sur $V$ tout en maintenant la composante dans $W$.
Symetries
Une symétrie dans un espace vectoriel $E$ est une application linéaire qui transforme chaque vecteur $x$ en un autre vecteur $s(x)$ de manière à préserver certaines propriétés géométriques. Il existe deux types principaux de symétries :
1. Symétrie par rapport à un sous-espace : Une symétrie par rapport à un sous-espace $V$ de $E$ est une application linéaire qui envoie chaque vecteur $x$ de $E$ sur un vecteur $s(x)$ de manière à ce que la différence $x – s(x)$ appartienne à $V$. En d’autres termes, la composante du vecteur $x$ qui est perpendiculaire à $V$ reste inchangée, tandis que la composante parallèle à $V$ est inversée. Cette symétrie reflète le vecteur $x$ de l’autre côté du sous-espace $V$.
2. Symétrie par rapport à un point : Une symétrie par rapport à un point fixe $a$ est une application linéaire qui envoie chaque vecteur $x$ de $E$ sur un vecteur $s(x)$ de manière à ce que la ligne droite passant par $a$ et le point $x$ soit également la ligne droite passant par $a$ et le point $s(x)$. En d’autres termes, la distance de $x$ à $a$ est égale à la distance de $s(x)$ à $a$. Cette symétrie crée une réflexion par rapport au point $a$.
Les symétries sont utilisées pour étudier des transformations géométriques et sont importantes dans de nombreux domaines, notamment la géométrie, la physique, et l’ingénierie. Elles permettent de modéliser des phénomènes de réflexion et de symétrie dans des espaces vectoriels, ce qui est essentiel pour comprendre les propriétés géométriques des objets et des systèmes.